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Mueller, Michaël et Erich Schmidt-Eenboom:
Histoire des services secrets allemands, Préface de Roger Faligot, Nouveau monde ed. Paris 2009.

Rezension von Jean-Marie Chauvier


L'Organisation Gehlen, le noyau de base nazi des services secrets ouest-allemands. (BND, Bundesnachrichtendienst)

L'exemple de l'Organisation Gehlen (OG) est le plus symbolique de la continuité entre le IIIème Reich et la RFA: cette organisation nazie est véritablement le noyau de base de la nouvelle institution du BND, le service de renseignement de la RFA.

Egalement connue sus le nom de "réseau Gehlen", l'OG fut fondée par le général major de la Wehrmacht Rheinhart Gehlen, un passionné d'Union soviétique, contre laquelle il participa à la conception du Plan Barbarossa.

Nommé en 1942 chef du réseau de renseignement sur les armées étrangères de l'Est (FHO), Gehlen dépendit également du Sicherheitsdienst (SD) du Troisième Reich. Au moment de la débâcle nazie, il constitua son Organisation Gehlen (OG) avec des cadres issus de la SS et de divers services de sécurité nazis, dont d'authentiques criminels de guerre. Il décida de se mettre au service des Etats-Unis, qui hésitèrent puis acceptèrent cette "aubaine". L'OG disposait en effet, sur l'URSS, d'informations, de fichiers et d'expériences des services secrets nazis dont les services occidentaux n'avaient pas idée. Les 3,1 millions de prisonniers de guerre allemands en URSS étaient considérés par Gehlen comme "espions potentiels".

Le rôle de l'OG dans la formation du BND est rarement évoqué dans les documents officiels et la presse, et le personnage de Rheinhart Gehlen est parfois présenté comme un quasi-dissident du nazisme. Tel n'est pas le portrait qui en ressort de l' ouvrage publié en 2009 par Michael Müller et Erich Schmidt-Eenboom, qui met en relief, plutôt qu'une "dissidence", un jeu personnel trouble et, surtout, un large "recyclage" de cadres nazis au profit d'actions du "monde libre" qui se caractérisent par une certaine continuité avec le passé nazi, notamment dans le soutien aux dictatures d'extrême-droite et à leurs polices politiques. Il est vrai qu'il y a là parfaite convergence entre ce "post-nazisme" et la politique suivie par les Etats-Unis.

Le BND et ses agents de l'OG serviront dans de multiples opérations de lutte contre le communisme: à l'Est bien sûr (RDA, Tchécoslovaquie, Hongrie, soutien aux insurgés ukrainiens de Stepan Bandera) mais aussi en Iran (formation de la police politique du Shah, la SAVAK) au Portugal (la PIDE, la police politique de Salazar, également assistée par la CIA et les services français) au Chili (la DINA de Pinochet), l'organisation avec le réseau GLADIO du coup d'état des colonels grecs en 1967, l'action au Portugal, après la révolution des śillets de 1974, pour contrer l'influence du Parti Communiste Portugais, des "gauchistes" et de la gauche militaire - de concert avec la CIA et la social-démocratie allemande et européenne.

Le SPD oeuvrait cependant à l'encontre des plans d'intervention militaire au Portugal envisagée par le secrétaire d'état américain Henri Kissinger.

En avril 1968, Gehlen fut mis à la retraite, mais son influence continua à s'exercer au travers le réseau personnel qu'il avait mis en place dans le BND. Plus tard, au moment de la dislocation du bloc de l'Est et de la Yougoslavie, le BND jouera un rôle important dans la fourniture d'armes (puisés dans les stocks de la RDA) aux nationalistes croates et dans le soutien à l'UCK albanaise au Kosovo, contre la Serbie.

Il est piquant de constater que les héritiers des services secrets nazis se retrouvent, en Croatie au début des années 90, aux côtés de ceux des Oustachis (fascistes croates) qui ont conservé en Bolivie, leur pays-refuge après la défaite fasciste, une puissance organisation par ailleurs vouée à la déstabilisation du président de gauche Evo Moralès.

Le préfacier de l'ouvrage, Roger Faligot ajoute:
"De multiples opérations plus récentes, menées conjointement par les services spéciaux français et allemands, en Ukraine et en Géorgie, lors de la guerre d'Irak ou du conflit du Kosovo, attendront leur heure pour être dévoilés".

Et ce préfacier de se féliciter de ce que la fusion des deux Allemagnes et la désintégration des services de l'Est aient permis la formation d' "une agence (ouest-allemande) beaucoup plus équilibrée" et qui a "déployé ses antennes et participe à la bataille souterraine contre les périls qui menacent tant son propre pays que l'Europe dans son ensemble".

Et R.Faligot, exprimant une réserve envers les auteurs de l'ouvrage d'ajouter:
"Ce qui rend parfois le lecteur moins critique que les auteurs à la vue de cette métamorphose".

Les archives entr'ouvertes, les documents déclassifiés des services secrets occidentaux nous fournissent donc quelques nouveaux éclairages sur la guerre menée contre le communisme et à la faveur de la dislocation du "bloc" et des fédérations de l'Est. Ainsi, ce qui était parfois considéré comme "fantasme du complot" se confirme aux meilleures sources : oui, l'Allemagne est bien intervenue dans le démantèlement de la Yougoslavie!

On se prend à rêver à ce qu'il en serait si les archives des mêmes services subissaient la même épreuve de transparence que celles de la STASI est-allemande !

Ce n'est pas demain la veille qu'on saura TOUT ce qu'il faudrait savoir sur le BND, la CIA, le MOSSAD, les services français ou britanniques, le passé de leurs activités… et le présent des opérations en cours…

-Jean-Marie Chauvier, canempechepasnicolas 8. Janvier 2010